La maquette alimentaire pour goûter le futur

Récemment, une entreprise nous a contactés pour réfléchir à “la pâte de demain”. Un des outils que nous utilisons dans ce type de projet est la maquette alimentaire. C’est un moyen rapide et peu coûteux pour donner forme, partager des idées avec d’autres personnes et répondre aux questions que nous nous posons.


C’est quoi une maquette alimentaire ?

Maquette, prototype, démonstrateur, preuve de concept… Il existe beaucoup de termes pour parler de représentation de concepts. Chacun de ces termes va être utilisé pour parler d’une mise en forme en fonction de l’avancement du projet. Mais pour faire simple :

  • On parle d’un prototype pour une représentation complète d’un objet, produit avec les outils industriels. Donc plutôt en fin de projet.

  • On parle d’une maquette pour une représentation partielle d’un objet, par exemple représenter la taille, la prise en main, la couleur, etc. Donc plutôt en début de projet.

La maquette, c’est avant tout du bricolage. C’est une incarnation rapide et peu coûteuse d’une partie d’une idée, pour avoir des réponses aux questions que nous nous posons. La maquette ne doit pas induire des coûts ou des moyens complexes pour exister, on doit trouver des astuces pour formaliser rapidement ses idées.

Sur un sujet comme “inventer le futur des pâtes”, une façon de créer des maquettes rapidement est par exemple de détourner les extrudeurs à pâte à modeler pour enfant.

La maquette pour se projeter

La maquette est un outil de représentation. Elle sert tout au long d’un projet à incarner des concepts théoriques dans des propositions concrètes. On peut manipuler une maquette, tourner autour, ressentir une expérience en bouche. Elle permet de concrétiser les idées de manière tangible, de faciliter la compréhension des nouvelles propositions et de les renforcer.

Travailler avec une maquette, c’est aussi se projeter en tant qu’utilisateur. Là où on peut parfois fantasmer des comportements ou des usages en regardant l’image d’un produit, on peut plus difficilement tricher avec une maquette entre les mains (ou en bouche).

Dans le cadre d’un projet d’innovation, cela permet aux équipes de sortir de leur rôle d’expert et de prendre celui d’utilisateur. On peut rapidement se projeter dans un usage en situation réelle.

La maquette pour s’aligner

La maquette est aussi un objet de discussion : elle permet de lier les personnes et les métiers qui ne parlent pas forcément le même langage.

Créer un nouveau produit alimentaire, c’est travailler à la fois avec l’innovation, la technique, le marketing, la vente… Généralement, chaque discipline va avoir une vision différente du projet et utiliser leurs propres outils pour réfléchir. Avec une maquette, on peut rassembler tout le monde autour de la table, partager la même vision du projet et prendre des décisions de façon concrète.

Chacun peut parler en tant qu’expert de façon concrète autour d’une maquette : Est-ce faisable avec nos procédés ? Cela répond-il à un besoin ou à une aspiration utilisateur ? Est-ce au niveau des exigences en termes d’expérience en bouche ? C’est beaucoup plus simple d’échanger sur ces aspects en manipulant des produits incarnés.

La maquette pour réfléchir

Dans un processus d’innovation classique, on utilise souvent la maquette une fois qu’on a eu les premières idées. Mais on peut également avoir des idées en réalisant des maquettes. Sur un projet comme “inventer le futur des pâtes”, une méthode d’innovation peut être de tester un vaste champ de recettes associées au produit. En faisant cela, on comprend les contraintes de la matière, des processus et des ingrédients. On peut tester des digressions, en allant s’inspirer de recettes d’autres typologies. On peut aussi rebondir d’une maquette à l’autre, itérer des formes, des usages, des façons de penser le produit. On est dans une expérimentation appliquée au produit.

Comment on crée des maquettes alimentaires ?

Quand un designer maquette un produit non-alimentaire, on commence souvent par décomposer son idée en différents formats : la taille, la préhension, la matière, la finition, etc.

En considérant le produit alimentaire comme un « produit », on peut également le formaliser de différentes manières, comestibles ou non, pour donner à voir tous les paramètres qui le composent.

Par la forme, à travers des maquettes en papier, en carton, en impression 3D, pour comprendre la taille, ressentir la préhension, simuler un geste, tester un usage.

Par la couleur et la finition, à travers des échantillons de matière à plat ou en volume, pour comprendre l’émotion et la perception créées. Faites l’exercice avec dans le rayon pâte du supermarché, vous verrez la quantité de « jaunes » qui existe dans la catégorie du même nom.

Par la texture, à travers des exemples de produits croquants, croustillants, fondants, etc. pour mettre les mêmes mots sur les mêmes sensations. Ces produits peuvent utiliser les mêmes ingrédients de base (une farine de blé par exemple), ou être issus d’une collecte de produits existants et intéressants d’un point de vue texture.

Par le goût, à travers des bouts de recette à déguster, toutes de la même forme, pour n'évaluer qu’un seul paramètre. Ici, on se rapproche d’une dégustation que l’on pourrait retrouver dans des projets d’analyse sensorielle.

Par la technique, à travers des tests d’outils ou de procédés pour comprendre quels sont les solutions industrielles à envisager permettant de développer une idée à l’échelle. Une maquette technique pour penser au futur des pâtes peut par exemple être un extrudeur à pâte à modeler pour enfant avec des filières sur mesures imprimées en 3D. Avec cette maquette, on peut tester la forme de la filière ou la viscosité de la pâte à insérer pour avoir une pâte convenable.

En faisant cet exercice de maquettage, on arrive rapidement à une forme, le projet est déjà plus qu’une idée, c’est un concept qu’on peut toucher et regarder sous tous les angles. On voit rapidement ce qui fonctionne ou manque dans la proposition.

En décomposant le produit en plusieurs composants, on comprend l’importance de chacun d’entre eux. On peut aussi les manipuler et les redistribuer pour faire évoluer la proposition, c’est un outil d’aide à la conception.

Le maquettage est une étape nécessaire avant de passer dans la réalisation d’un prototype qui lui fera la synthèse de tous ces éléments dans un seul produit.

Intégrer la maquette alimentaire en innovation

Le maquettage alimentaire est un de nos principaux outils quand nous travaillons sur des nouveaux concepts de produits comestibles. Il aide à la projection, la prise de décision, le test utilisateur et l’alignement de toutes les parties prenantes.

Si vous souhaitez intégrer la maquette alimentaire dans vos processus de développement de produit ou concept alimentaire, commencez le plus simplement :

  • Identifiez les hypothèses que vous souhaitez formaliser et choisissez une façon simple de leur donner forme : en travaillant avec des matériaux de bricolage pour tester des formes, en hackant des produits existants pour tester des goûts (par exemple, par l’ajout d’épices, par une cuisson différente, etc.).

  • Créez vos séances d’idéation et de conception autour de la construction de maquettes et manipulant des vrais produits pour pouvoir réfléchir en faisant et apporter un regard neuf sur votre projet.

Arnaud Pfeffer

Designer industriel et Ingénieur mécanique
Co-fondateur

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